mardi 26 janvier 2016

Un jour on the bike

Qu'est-ce que je fais de mes journées ? Comment j'occupe mon temps du matin au soir ? Comment est rythmé mon quotidien ?
Ca fait déjà un petit moment que j'ai envie d'écrire un petit article à ce propos, alors je vous embarque avec moi pour une journée type. Tu es sur la route peu importe le pays. C'est parti, on met les voiles.

"A man is a success if he gets up in the morning and goes to bed at night and in between does what he wants to do" Bob Dylan





Je me réveille en général avec la lumière du jour qui filtre calmement à travers le tissu de ma tente. Mes yeux sont désormais habitués à cette luminosité familière qui m'accompagne depuis 4 mois déjà. Les repères sont connus par coeur, ce qui n'est pas bien difficile dans 2m2. Parfois j'oublie où je suis, je me crois un jour en arrière au bivouac précédent ou en France. Il me faut quelques secondes pour que tout se remette en place.

Un coup d'oeil sur la montre, je réajuste la pile de vêtements qui me sert d'oreiller, me tourne et me rendors, une fois ou plus ! Puis j'émerge lentement. Le bruit de la mer, le chant des oiseaux, la brise de l'arbre sous lequel j'ai dormi, le trafic de la route voisine, la petite cascade du torrent, le voisin qui déjà plie sa tente ou encore le silence sont autant de variations du réveil-matin.

Un peu mal au dos ce matin, je n'avais pas bien fait attention à cette petite racine hier soir en installant la tente. Je m'étire comme un chat.
Je glisse la tête à travers la porte de la tente et fais une petite inspection rapide du ciel.  La fraicheur de dehors contraste avec l'atmosphère douce de l'intérieur. Plus encore que les nuages ou la pluie, la présence de vent peut très vite mettre mon moral en berne.

J'enfile quelques habits, je sors et fais quelques pas...pour satisfaire un besoin naturel. Les volutes de brume sont encore présentes dans la vallée, tandis que là-haut les cimes prennent déjà leur bain de soleil. La nature s'active doucement, et je me félicite d'avoir choisi un bel endroit après cette longue étape hier.

Ensuite la petite routine habituelle. Je mets l'eau du thé à chauffer sur le réchaud, ce qui m'apporte un peu de chaleur également. Pendant ce temps, je range toutes les affaires à l'intérieur de la tente avec une précision chirurgicale. Dehors les sacoches sont un peu en vrac, étalées sur l'herbe. Le sac de couchage, la doudoune, les bidons, les sangles forment un joyeux bordel.

Je prépare le porridge, boit le thé, mange quelques toasts tout en regardant l'étape qui m'attend. Une grosse bosse aujourd'hui en début d'étape, puis 20 km sur le plateau avant de redescendre en longeant la rivière.

Les sacoches sont chargées, les bidons sont remplis, le compteur est remis à zéro. Un coup d'oeil rapide histoire  de vérifier que je n'ai rien oublié et c'est parti. Put***, je vais vraiment finir par l'oublier un jour ce couteau....

Les premiers kilomètres ne sont jamais les plus agréables pour le corps mais j'aime l'idée toujours présente que chaque matin est comme un nouveau départ. 
Ca roule pas mal, les sacoches ont l'air bien équilibrées, c'était pas gagné pourtant avec tous les biscuits que j'ai achetés hier soir. J'ai la musique avec moi. Tiens un best-of de Brassens ça collera bien avec la première heure. Hier c'était Renaud, demain ça sera peut-être Bob Dylan ou Coldplay.

"Tiens je pense que c'est le début du col là-bas, je devrais peut-être enlever la veste. Non c'est bon y'a que 45 min que t'es parti, continue" . Je commence le col. 500m après j'enlève la veste....Je le savais.
La montée est régulière et pas trop soutenue, les premiers campervans me doublent. Certains font des petits signes, les français qui ont reconnu mon drapeau me klaxonnent, d'autres, la plupart, en ont rien à cirer.

Brassens commence à m'énerver avec ses bancs et son gorille, alors je mets de l'électro à fond. Ma moyenne augmente d' 1 km/h. Du calme. Quand même c'est grisant... Et le sommet est pas loin. Je me mets en danseuse pour hisser les 40 kg sur les dernières pentes un peu plus raides. J'arrive au sommet en sueur, les gens me regardent avec de la pitié.

"Ah le pauvre, il est obligé de voyager à vélo, c'est vrai que les locations de véhicules sont chères ici pour les étudiants. En plus il ne savait peut-être pas que la grande route en bas était toute plate. Et vu comme il transpire en plus il doit pas trop avoir l'habitude. Ca montait pas tant que ça pourtant, si ? Je vais lui donner une pomme...".

"Putain je suis déjà en haut ?  Ah mais ça va en fait, tranquille. Enfin, les jambes piquent un peu mais avec ce morceau en boucle que j'adore c'est passé tout seul. Et puis quand je reprendrai le VTT au printemps, je vais voler. Waow, c'est vrai que c'est beau, ça valait bien le coup de faire le détour. La vue est splendide. Je peux presque voir le pont que j'ai franchi hier. J'ai bien fait de pas prendre la grande route, même si c'est un peu plus long.
Ahah il est trop marrant ce mouton il a vraiment une tête bizarre. Et à côté je pense que c'est sa maman. Merde j'ai moitié froid là, faudrait pas tomber malade. Je vais remettre la veste. Le mec à côté est en t-shirt...le dingue...ah oui mais il sort de son 4x4...ok bon on est pas dans le même délire. Qu'est-ce qu'il à me regarder depuis tout à l'heure avec sa pomme dans la main ? "

Le plateau est magnifique, le vent s'est calmé d'un coup. Je m'arrête pisser. Merde c'est jaune faut que je boive plus.
45 km depuis ce matin. Ca va c'est dans la norme, mais là je commence un peu à avoir la dalle quand même. Bon d'après la carte y'a un coin sympa dans 5km. Allez...

Hééé, mais je me souvenais pas que j'avais acheté ce saucisson hier ! Allez, je déballe toutes les sacoches à l'arrache, au moins tout est sorti j'aurais pas besoin de me relever.  On voit la route qui serpente au loin, ça va y'a pas grand monde aujourd'hui. Ah mais oui, on est lundi...

Le point que je pensais être un poteau bouge. Ce n'est donc pas un poteau. C'est soit un chien qui marche sur ses pattes arrières soit un vélo. Il a des sacoches en plus, ça doit être un vélo.

Chris est australien et est parti pour 6 mois également. Il a l'air d'en chier un peu. Il me confirme et me dit que je vais m'éclater dans la descente.  Il me demande où j'ai dormi la veille, je lui refile le bon spot. Il a pas de saucisson, alors je lui en file une tranche. Il semble apprécier alors je le mets au milieu. " You want a tea ?" qu'il me dit.
On discute sur nos voyages respectifs, sur nos vélos, les rencontres que l'on a fait. J'apprends que l'été dernier il a roulé dans les Alpes. Il est dur le col de La Ramaz...
Il me dit que ce qu'il a préféré c'était les petits villages, les boulangeries et les marchés. Je souris mais je crois qu'il a raison. Son thé est pas dégueulasse. Avec le saucisson ça passe bien. Il est temps de repartir. Se reverra t-on un jour ? Probablement pas. Une petite photo pour la route ? Allez...
Une franche poignée de mains, ciao l'ami, roule bien. Et promis si je passe par Melbourne un jour je te contacte.

Je me remets en selle un peu balloné par le demi-saucisson, le fromage, le pain et le Nutella que je viens de m'envoyer. Pour ne pas sombrer dans une léthargie qui compromettrait mes chances de tenir en équllibre sur mes roues, je lance un podcast. Humm...allez tiens qu'est ce que j'ai " Comment Proust peut nous rendre heureux", " L'éducation à la lumière des Neurosciences"....ouais bon, je vais me faire un petit "Allô la planète" hein.

Après 1 heure, je sais donc que voyager en cargo marchand n'est pas donné, que les "casas de ciclistas" d'Amérique du Sud sont très sympas, et qu'il existe une superbe piste au Kirghizistan en direction de la Pamir Highway.

Je n'ai pas vu le temps passer, les jambes répondaient bien, j'étais dans ma bulle, dans le flow et c'est vraiment ce que je recherche quand je roule. La route commence à s'incliner doucement, les lupins arctiques me font une haie d'honneur, le compteur grimpe, je coupe les virages à la recherche de la meilleure trajectoire. Les descentes sont toujours une belle récompense.

L' étape arrive à son terme, le temps de trouver un bel endroit pour dormir. Ce qui veut dire non visible de la route, plat, avec de l'eau à proximité, et si possible une jolie vue. Je m'enfonce un peu dans ce petit chemin creux, fait quelques centaines de mètre. Là ça sera parfait.

En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire la tente est montée, les sacoches décrochées, les affaires à sécher.
J'ai pris soin d'orienter la tente à l'Est pour que le soleil demain sèche la tente au matin.
Je prends ma serviette et vais me rafraîchir à la rivière, la dernière fois que j'ai pris une douche était il y a 3jours dans ce camping. Je me sèche sur une pierre au soleil. Y'aurait peut-être des truites ici...

J'ai rempli mes bouteilles.
Ce soir pour ne pas changer, je vais me faire des bonnes pâtes qui calent bien. Ensuite je profiterais du coucher de soleil en lisant ce bouquin passionnant qui m'accompagne depuis quelques temps déjà. Puis je me glisserais dans mon sac de couchage, ce petit endroit si réconfortant où que je sois et qui sera le théâtre à n'en pas douter d'une nuit réparatrice remplie de songes.
Pour que demain ça recommence. D'une autre manière. Toujours imprévisible. Toujours attendue. Toujours pleine de surprises.

Il va sans dire que cette description n'est pas loin de la journée iddylique ( Amy la Canadienne aurait remplacé Chris l'Australien, et ne serait pas repartie dans la même direction) et que la réalité est souvent différente. Il y a néanmoins toujours un peu de ça tous les jours.

C'est donc ça mon quotidien.
Une vie simple.
Un ensemble de petits plaisirs insignifiants.

Et toi, tu pars où pour ton premier voyage ?


4 commentaires:

  1. Hello Julien,

    Cette narration de la journée sur ton vélo, tes ressentis, tes rencontres, tes photos montrent bien que la vie peut être simple malgré parfois les galères. Merci de nous le rappeler.


    Bonne continuation.

    Dom

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  2. Bonjour Julien, Bravo à toi pour toutes ces belles choses que tu me fais partager, et que de photos splendides !!!
    Chapeau d'avoir eu le courage de faire tous tes périples... Tu dois avoir mille magnifiques souvenirs, et plein de bonnes rencontres... Mais on voit que certains jours c'est dur, dur.... et tu as toujours la volonté de continuer !
    Je me régale de tous tes commentaires... Boone courage et belle suite de ton aventure !!!
    La "Vieille" Collègue de ta maman.....

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  3. Encore un excellent article, je mets parfois plusieurs jours à revenir sur ton blog, mais quel plaisir à chaque fois de te lire ;-) Si j'avais été là, aurait été rajouté "On s'engueule avec Antoine pour un truc pourri, comme d'hab. Cinq minutes plus tard, on s'en fout" !
    Par contre tu t'écoutes vraiment des podcasts de ce genre dans les descentes de cols toi ? Non mais mets-toi un bon rock bien dynamique pour virevolter fast fast fast à la corde !!

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  4. Salut Julien,

    Je suis ton périple avec toujours autant de plaisir et m'évade chaque fois à la lecture de tes récits !

    Ta journée type est magique et doit en faire rêver plus d'un parmi nous. J'ai partagé modestement ces sensations de bien-être, de lenteur, de douceur et détachement lors de ma petite ballade le long du Rhône l'an dernier.

    Du coup je repars début Juin sur la Loire, je vais suivre ses premières gouttes au Mont Gerbier jusqu'à Saint Nazaire avec une petite tente sur le porte bagages. Tes récits m'accompagnent déjà dans ma préparation !

    @+

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