vendredi 9 octobre 2015

Lectures...

"Lorsqu'une silhouette surgit, elle occupe longuement notre mire au point de devenir une obsession. Il nous faut de longs instants d'effort avant d'atteindre cet homme seul, debout au bord de la route. La yourte qui se devine à 3km est sa maison. Ses yeux sont bleu clair, sa peau parcheminée est rougie par l'air et le soleil, et ses pommettes saillantes accentuent ses joues creusées. Il porte un costume trop large pour lui, d'immenses lunettes et un chapeau kirghize. A ses pieds, un sac en toile. L'homme attend un moyen de transport. Pas d'horaire. Voilà cinq heures qu'il se tient au bord de la route. Monter dans un camion de passage est une question de jours, parfois même de saison quand la neige s'invite. Si aucun véhicule ne se montre aujourd'hui, il reviendra demain attendre sans empressement sous le soleil brûlant, avec pour seuls compagnons le temps, l'immensité et ses pensées. Nous tuons avec lui quelques instants. A aucun moment l'impatience semble avoir la moindre emprise sur lui.

A quoi bon s'exaspérer ?

En France, un important retard de train entraîne dans les journaux une succesion de témoignages de frustration, de colère et de désespoir. C'est le chant égocentrique de ceux qui concoivent le monde qui les entoure comme tournant autour d'eux, au service du confort de leur existence. Qu'un rouage de la machine se bloque et leur impuissance leur devient insupportable. A l'inverse, le nomade kirghize trouve refuge dans l'humilité et accepte que l'ordre des choses lui dicte le déroulement de son existence. Dès lors, rien ne peut le contrarier, il n'y a pas d'attente qui puisse l'impatienter, ni d'égocentrisme qui puisse lui retirer la sagesse d'être heureux avec peu. De l'Himalaya au Pamir, il y a chez les peuples du toit du monde cette même force mentale faite de détachement face aux aléas de la vie"

Diagonale Eurasienne, à vélo de l'Australie à l'Europe - Benjamin VALVERDE.

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